Stratégies de prevention
Les femmes porteuses de mutation génétique qui sont confrontées à un risque particulièrement élevé de cancer ont un choix entre plusieurs types de mesures préventives (tableau 5).
La première option consiste à se soumettre à un examen de contrôle à intervalles réguliers (dépistage intensif). L’objectif est la détection d’un cancer du sein ou de l’ovaire à un stade précoce afin de maximiser la probabilité de guérison.
Un dépistage intensif ne peut toutefois pas empêcher l’apparition d’un cancer. C’est pourquoi certaines femmes préfèrent faire enlever le tissu dans lequel un cancer peut se développer : une amputation préventive des seins ou mastectomie, et l’enlèvement préventif des ovaires et des trompes de Fallope, ce qu’on appelle une salpingo-ovariectomie bilatérale préventive (SOB). Ces opérations préventives semblent particulièrement efficaces pour diminuer le risque de cancer de l’ovaire ou du sein, bien qu’elles ne le réduisent pas à zéro. Un avantage majeur d’une SOB préventive est que cette intervention réduit également le risque de cancer du sein de moitié.
Un dernier moyen de prévention est l’administration de médicaments visant à réduire le risque d’un cancer, appelé chimioprophylaxie. À l’heure actuelle, il n’existe que très peu d’études qui ont examiné l’utilité d’une chimioprophylaxie chez les porteuses d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2, cette option demeurant dès lors relativement controversée. Nous savons seulement que chez les femmes ayant déjà souffert d’un cancer du sein, un traitement de tamoxifène réduit le risque de développer une nouvelle tumeur mammaire de moitié. On peut donc penser qu’à l’avenir la chimioprophylaxie pourra peut-être offrir une solution aux porteuses asymptomatiques d’une mutation.
Le choix d’une des différentes stratégies préventives est un processus particulièrement complexe où jouent tant des éléments médicaux que personnels. Tout d’abord, plusieurs facettes différentes de la vie de la patiente entrent en ligne de compte. Les éléments importants sont, entre autres:
- la façon dont la patiente assume le risque de développer un jour un cancer
- la volonté d’avoir des enfants
- la sexualité et la relation amoureuse
- le fait d’être une femme
- les expériences cancéreuses dans la famille
Tableau 5. Possibles stratégies préventives pour les porteurs et porteuses d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2.
Femmes porteuses |
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Cancer du sein |
Dépistage |
Auto-dépistage mensuel, à partir d’un jeune âge |
Tous les trois à six mois, un examen clinique effectué par un médecin, à partir de 20 ans |
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Échographie et mammographie annuelles, avec éventuellement une IRM, à partir de 25 ans | ||
Chirurgie préventive |
Mastectomie préventive salpingo-ovariectomie bilatérale préventive |
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Chimioprophylaxie |
Tamoxifène (pour l’instant surtout chez les femmes ayant déjà souffert d’un cancer du sein) |
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Cancer de l’ovaire |
Dépistage |
Examen gynécologique tous les six mois à partir de 35 ans |
Échographie transvaginale tous les six mois à partir de 35 ans |
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Dosage CA 125 dans le sang tous les six mois à partir de 35 ans |
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Chirurgie préventive |
Salpingo-ovariectomie bilatérale préventive |
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Chimioprophylaxie |
(Éventuelle protection par contraceptifs hormonaux) |
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Hommes porteurs |
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Cancer du sein |
Dépistage |
Pas de ligne directrice uniforme |
Cancer du côlon |
Dépistage |
Coloscopie à partir de 50 ans |
Cancer de la prostate |
Dépistage |
Examen rectal de la prostate et échographie, à partir de 40 ans |
dosage PSA à partir de 40 ans |
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Mélanome |
Dépistage |
Inspection annuelle de la peau (en principe, uniquement pour les porteurs d’une mutation du gène BRCA2) |
Le choix est rendu plus difficile par un certain nombre de points médicaux actuellement sujets à discussion. Ainsi, le meilleur intervalle et la fréquence optimale du dépistage ne sont pas connus à ce jour, que ce soit pour le cancer de l’ovaire ou du sein. Bien que l’on espère que la résonance magnétique nucléaire (RMN) permettra de dépister le cancer du sein à un stade plus précoce, l’importance qui sera attribuée à cet examen dans le dépistage des porteuses BRCA1 et BRCA2 n’est pas clair. Il n’existe en outre pas assez de données concernant l’effet des différentes stratégies préventives sur l’espérance de vie. Bien qu’il soit prouvé que la chirurgie préventive peut réduire le risque de développer un cancer, on ne sait pas à l’heure actuelle si cette stratégie offre réellement plus de chances de survie qu’un dépistage intensif. Les effets et risques de la substitution hormonale après avoir enlevé les ovaires préventivement ne sont pas clairs non plus. On craint en effet que le risque de développer un cancer du sein augmente à nouveau.
Il est clair qu’il n’existe pas de «meilleur» choix. Il est surtout important de trouver pour chaque patiente une solution qui lui permette de se sentir protégée du cancer et qui lui garantisse une qualité de vie suffisante. Pour certaines femmes la chirurgie préventive reste la meilleure solution de lutte contre leur risque de cancer du sein ou de l’ovaire, alors que d’autres femmes feront confiance à un suivi médical intensif. Une rencontre avec des personnes qui partagent le même problème peut être utile afin d’échanger les expériences et de permettre une meilleure décision thérapeutique.
On recommande généralement aux hommes porteurs d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2 de suivre une stratégie de dépistage afin d’obtenir un diagnostic à un stade précoce d’un cancer du côlon, de la prostate, ou des tumeurs cutanées (tableau 5).