Le conseil génétique concernant le cancer du sein dans la pratique
L’évaluation de l’utilité d’une analyse génétique se base en première instance sur l’analyse des antécédents familiaux de la patiente. Cela dit et comme expliqué ci-dessus, les critères du tableau 1 ne sont qu’indicateurs. Mais les antécédents familiaux ne sont pas seulement la base sur laquelle on décide ou non de pratiquer une analyse génétique moléculaire, ils servent aussi à estimer le risque de cancer du sein des autres femmes appartenant à la famille, ce qui est particulièrement important lorsque l’analyse génétique ne permet pas de déceler une mutation.
S’il existe un soupçon d’hérédité dans une famille, 2 examens vont être menés: l’examen génétique prédictif et l’analyse diagnostique des mutations. L’analyse diagnostique des mutations est proposée en premier lieu aux personnes ayant déjà souffert d’un cancer de l’ovaire ou du sein. Elle permet de découvrir une mutation sur les gênes BRCA1 ou BRCA2. L’analyse génétique prédictive est ensuite proposée à toutes les parentes au sens large de la patiente concernée, parce qu’une femme non porteuse de la mutation peut elle aussi développer un cancer de l’ovaire ou du sein sans qu’il s’agisse d’un problème héréditaire. Le nom scientifique de ce phénomène est la phénocopie. Si on ne faisait l’analyse génétique que pour cette femme-là, on parviendrait bien évidemment à une fausse conclusion pour la famille entière. Pour éviter cela, il vaut mieux soumettre tous les parents concernés à un examen intégral.
L’analyse génétique menée chez une personne ayant déjà souffert d’un cancer s’appelle analyse génétique diagnostique. Cette analyse vise à dépister l’anomalie génétique sur les gènes BRCA1 ou BRCA2. Malgré les récents progrès techniques, cette analyse prend environ six mois. Dans plusieurs pays européens, l’analyse est remboursée.
Si l’analyse diagnostique décèle une mutation, on peut rechercher chez tous les parents non touchés de la patiente (qui le souhaitent) s’ils ont hérité de la mutation en question. Cet examen est appelé examen pré‑symptomatique ou prédictif. Il s’agit en fait d’un examen génétique diagnostique ciblé, ce qui prend donc moins de temps à réaliser. L’examen prédictif permet d’évaluer judicieusement le risque de cancer de l’ovaire ou du sein: les femmes qui n’ont pas hérité de la mutation encourent le même risque que le reste de la population, tandis que le risque encouru par les femmes porteuses de la mutation a fortement augmenté. Il est aussi utile d’analyser les parents masculins, car leur risque de cancer du côlon ou de la prostate peut être plus élevé et parce qu’ils peuvent eux aussi transmettre la mutation à leurs enfants.
Lorsque l’analyse génétique diagnostique d’une patiente n’indique aucune mutation, on ne peut pas s’exprimer au sujet du caractère héréditaire du cancer du sein dans sa famille. L’hérédité n’est pas exclue, car le résultat du test peut être faussement négatif. Il est aussi possible que la famille soit victime d’une mutation sur un autre gène que BRCA1 ou BRCA2 . Le conseil génétique pour les parents de cette patiente se basera donc sur les antécédents familiaux, car il n’est pas possible de leur proposer un examen pré-symptomatique.
Dans le cas où toutes les femmes d’une famille ayant souffert d’un cancer de l’ovaire ou du sein sont décédées, on peut envisager un examen pré-symptomatique chez une parente du premier degré qui n’a pas développé de cancer. Mais attention, car ces parentes ont à priori une chance sur deux (50%) d’être porteuses, de sorte qu’un résultat négatif doit être considéré comme non informatif. En effet, il se peut que le gène BRCA1 ou BRCA2 des parents touchés porte la mutation, sans que la personne en question n’en ait hérité. Par ailleurs le résultat peut encore et toujours être faussement négatif. En revanche, si on découvre une mutation par cette analyse génétique, on peut affirmer avec certitude que la famille est porteuse de la mutation.
Une des étapes importantes préalable à une analyse génétique est l’obtention du consentement éclairé (informed consent) de la patiente. Vu le caractère particulier de l’analyse génétique, certains thèmes doivent être abordés avec la patiente avant de débuter l’analyse, pour qu’elle soit au courant du déroulement, des implications et des résultats possibles. Les points importants abordés sont décrits dans le tableau 4.
Tableau 4. Points importants pour l’obtention du consentement éclairé du patient avant de débuter une analyse génétique :
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En plus de fournir des informations sur l’analyse génétique, de plus en plus d’attention est portée à l’accompagnement psychologique des patients et familles qui font l’objet de l’examen, tant pour l’examen diagnostique que pour l’examen pré-symptomatique. Cet accompagnement vise principalement à offrir à la patiente et à ses proches un soutien sur mesure pour permettre:
- d’assumer les résultats du test
- d’échanger les informations au sein de la famille
- de choisir une stratégie préventive
- de répondre aux préoccupations concernant la possibilité de port de la mutation par les enfants et les autres proches
- de limiter l’impact de l’analyse génétique sur la relation et la volonté d’avoir des enfants