Timing de la reconstruction
Introduction
Il est important de connaître le timing de la reconstruction car plusieurs options sont possibles :
La reconstruction immédiate ou primaire est associée à une morbidité psychologique beaucoup moins grande que la reconstruction à distance. Le séjour hospitalier global est moins long, il y a moins d’opérations et l’utilisation d’anesthésiques est également moindre. Ce type de reconstruction mammaire est mieux toléré par la patiente. Il est en outre moins coûteux sur le plan économique. Plusieurs études récentes ont par ailleurs montré que la reconstruction primaire ne retarde pas l’administration d’un éventuel traitement adjuvant.
La reconstruction à distance ou secondaire est réalisée au moins 6 mois après la fin du traitement adjuvant (chimiothérapie ou radiothérapie). Pendant cette période, des informations détaillées concernant le pronostic, le type et l’agressivité de la tumeur sont données à la patiente. De plus elle disposera du temps nécessaire pour choisir son chirurgien plasticien, le type de reconstruction qu’elle désire et planifier la procédure.
La reconstruction tertiaire ou reconstruction après échec des tentatives précédentes peut être faite à tout moment si l'état des tissus locaux la permet.
Nombre d'opérations
Quelle que soit l’indication, la technique ou le moment de la reconstruction mammaire, il faudra plus d’une opération pour parvenir au résultat final.
La mobilisation de tissus avoisinants ou de tissus à distance réalisée lors de la première opération vise à obtenir une reproduction du sein controlatéral aussi fidèle que possible tant en termes de forme et de volume. Nous aimons suivre les principes classiques de la sculpture: un bloc de matière, dans notre cas de la graisse, est déposé sur une plate-forme, la paroi thoracique. La première opération a pour but de créer une forme de base en transférant une grande quantité de tissus. La forme obtenue ressemble à un sein, mais le volume et la forme définitifs n'ont pas encore été établis. 10-15% de tissus excédentaires ont été transférés pour permettre le retrait de petites quantités de graisse lors de la deuxième intervention.
La deuxième opération a lieu environ six mois après la première. Les tissus mobilisés ont subi les effets de la gravité, adopté une nouvelle forme plus naturelle et leur position définitive sur la paroi thoracique. La deuxième opération, pratiquée sous anesthésie locale ou générale, permet d’améliorer la symétrie entre les deux seins. La plupart des patients a besoin de cette deuxième intervention chirurgicale, car il est pratiquement impossible d'obtenir un résultat parfait après une seule opération. Cela étant dit, il est parfois possible d'obtenir un résultat satisfaisant en une seule intervention. La symétrie est l’objectif principal de la deuxième opération: elle peut être obtenue en ajustant le sein reconstruit, en adaptant le sein controlatéral ou par une combinaison de ces deux possibilités.
Les modifications du sein reconstruit comprennent la reconstruction du mamelon, la révision de cicatrices (si nécessaire) ainsi que l’ajustement de la forme et du volume. Pour corriger le volume, en suivant ici encore les principes classiques de la sculpture, nous préférons retirer de petites quantités de graisse et de peau en excès par des techniques relativement simples d'excision directe et / ou de liposuccion, plutôt que d’ajouter des tissus. L’augmentation de volume impose en effet l’utilisation de techniques plus compliquées, comme le transfert tissulaire local ou le lipofilling.
L’ajustement de la forme peut être obtenu par un repositionnement et/ou une rotation du lambeau. Des résections de peau, une correction du repli sous le sein ou une correction des autres bords de la reconstruction, peuvent aussi aider à obtenir un résultat plus satisfaisant esthétiquement. De plus en plus de petits changements de la forme peuvent être réalisés par des techniques moins invasives. On peut par exemple retirer de la graisse d’un endroit par liposuccion pour rajouter cette même graisse à un autre endroit par lipofilling. Ces techniques chirurgicales moins invasives permettent en outre à la patiente de se rétablir plus rapidement.
Le sein naturel controlatéral peut également être ajusté par une augmentation, une diminution ou un lifting (mastopexie). Il est parfois nécessaire de pratiquer une mastectomie prophylactique avec ou sans reconstruction de cet autre sein.
En réalité, il n'est pas toujours facile d'obtenir une symétrie parfaite entre les deux seins et il peut être nécessaire de répéter des corrections du lambeau ou des ajustements du sein controlatéral. Ces petits ajustements sont adaptés à chaque individu et peuvent presque toujours être faits sous anesthésie locale. Ils peuvent être répétés jusqu'à ce que la patiente soit satisfaite du résultat, même si ses attentes doivent être réalistes. Les idées et l’avis du chirurgien sont évidemment importants, mais restent secondaires par rapport aux désirs de la patiente.
Lors d’une troisième opération, 3 mois après la dernière intervention correctrice, le tatouage du nouveau mamelon et de l'aréole est effectué. La reconstruction de l'aréole par des greffes de peau ne se fait plus, car les résultats ne sont pas meilleurs ceux obtenus par simple tatouage. Comme nos yeux sont très sensibles aux différences de couleur, le tatouage bilatéral (donc aussi de la plaque aréolo-mamelonnaire intacte) donne les résultats les plus naturels. Malheureusement les tatouages s’estompent avec le temps et doivent parfois être refaits.
Reconstruction mammaire immédiate
La reconstruction mammaire primaire ou immédiate consiste en l'ablation d'une partie ou de la totalité de la glande mammaire, associée à la reconstruction immédiate du sein. La morbidité psychologique est beaucoup moins importante que lors d’une reconstruction à distance puisque la patiente ne se réveille pas sans son sein. La combinaison de ces deux grandes interventions permet de pratiquer une seule opération avec une hospitalisation globale plus courte. Grâce à cela, la reconstruction mammaire immédiate est d’une part mieux tolérée par la patiente et d’autre part beaucoup moins coûteuse sur le plan économique. Plusieurs études récentes ont par ailleurs montré que la reconstruction primaire ne retarde pas l’administration d’un éventuel traitement adjuvant.
La reconstruction mammaire primaire est devenue le premier choix de traitement du cancer du sein au cours de la dernière décennie. En revanche, la question de savoir si la reconstruction primaire doit être proposée ou non aux patientes pour lesquelles une radiothérapie postopératoire est planifiée, est encore débattue. Notre préférence est de ne ne pas pratiquer une reconstruction autologue immédiate si une radiothérapie post-mastectomie est d’emblée nécessaire. Chez ces patientes, on préférera insérer des implants temporaires pour rétablir la forme et le volume de la glande réséquée.
Si l'enveloppe cutanée du sein est grande, il y aura inévitablement une certaine contraction post-opératoire de la peau, mais on peut aussi procéder à une réduction cutanée au moment de la mastectomie. Si l'enveloppe cutanée est naturellement petite ou si de la peau a été réséquée, des expanseurs tissulaires peuvent être insérés. Certains centres de radiothérapie préfèrent du reste que l'expanseur soit dégonflé pendant l'irradiation. La reconstruction mammaire à distance sera faite six mois après la fin de la dernière séance de radiothérapie.
Lorsqu’'il est difficile de savoir si une radiothérapie postopératoire sera nécessaire ou non, une reconstruction mammaire immédiate autologue peut être effectuée, mais le sein reconstruit doit alors être 15-20% plus grand que la taille finale désirée. La fibrose et la sclérose post-radiothérapie sont en effet habituellement associées à une perte de volume d'environ 10%. Les tissus excédentaires permettent par ailleurs une flexibilité plus grande pour affiner la forme du sein lors de la deuxième opération.
Les avantages de la reconstruction primaire sont:
- Impact psychologique moins important pour les femmes: la peur de vivre sans (un) sein(s) n’existe plus. Il n'y a pas de perte de confiance en soi puisque l'image corporelle est préservée.
- Une seule intervention chirurgicale: une seule série de complications chirurgicales et anesthésiques associée à une seule période de récupération.
- Le séjour hospitalier après l’ablation chirurgicale (ablation de la tumeur) combinée à la reconstruction n'est pas plus long que celui après la chirurgie ablative seule.
- La reconstruction primaire est nettement moins chère que la reconstruction à distance.
- Le traitement adjuvant (chimiothérapie, hormonothérapie radiothérapie,) n’est pas différé.
Les inconvénients de la reconstruction mammaire primaire sont les suivants:
- Il est plus difficile de planifier et de programmer ces interventions parce que deux équipes sont nécessaires - un chirurgien oncologue (gynécologue ou chirurgien général) et un chirurgien plasticien.
- L'opération prend plus de temps que l’ablation chirurgicale seule.
- Il n'y a que peu ou pas de temps pour que la patiente puisse faire le deuil de son sein. Cela peut mener à des attentes irréalistes quant au résultat esthétique qui peut être obtenu par une reconstruction mammaire immédiate.
- Cette reconstruction peut être stressante pour la patiente. Elle doit prendre des décisions multiples, parfois difficiles sur l’opportunité de procéder à la reconstruction mammaire en plus de toutes les émotions confuses d'un diagnostic récent de cancer. Certaines personnes ont besoin ou préfèrent disposer de plus de temps pour assimiler l'information qu'ils ont reçue.
Reconstruction mammaire secondaire et tertiaire
Reconstruction mammaire secondaire
La reconstruction mammaire à distance ou secondaire est effectuée séparément, dans un deuxième temps après la chirurgie ablative, pendant laquelle une partie ou la totalité du sein a été enlevé. La reconstruction à distance peut avoir lieu après un temps très variable, mais on recommande généralement aux patientes d'attendre au moins 6 mois après leur dernière chimiothérapie ou séance de radiothérapie avant de l’entreprendre. Au-delà de ces 6 mois, la patiente peut décider du moment le plus opportun pour pratiquer l’intervention. La reconstruction peut même avoir lieu plusieurs années plus tard.
Un avantage important de la reconstruction secondaire est que le type de tumeur, son agressivité et le pronostic sont connus par l'oncologue, le chirurgien et la patiente. Cette information peut influencer la décision de procéder à la reconstruction. La patiente a aussi eu l'opportunité de choisir un chirurgien plasticien, le type de reconstruction désiré et de planifier son intervention chirurgicale.
Les avantages d'une reconstruction à distance sont:
- Les résultats de l'examen microscopique de la tumeur (histopathologie) sont bien connus, ce qui donne un aperçu de l’agressivité et du pronostic de la maladie.
- La patiente a pu choisir un chirurgien plastique et le type de reconstruction désiré. Elle a pu planifier son intervention chirurgicale.
- Les patientes qui bénéficient d’une reconstruction secondaire ont souvent des attentes plus réalistes sur le résultat esthétique qui peut être atteint.
Les inconvénients d'une reconstruction secondaire sont:
- Certaines patientes ont de la peine à supporter la perte d’un sein, ce qui augmente la morbidité psychologique.
- Au moins deux séjours hospitaliers sont nécessaires, avec chirurgie et anesthésie dans les deux cas.
- Le coût total pour la patiente aussi bien que pour son assurance maladie est plus élevé (qu’il s’agisse de l’assurance complémentaire ou de l’assurance de base).
- Il y a un risque potentiel de complications pour chacune des deux opérations.
Reconstruction mammaire tertiaire
Lorsqu’une patiente est insatisfaite d’une reconstruction mammaire précédente, une reconstruction tertiaire peut être organisée. Au cours de cette intervention chirurgicale, la reconstruction précédente est retirée avant qu’une nouvelle reconstruction soit effectuée.